Suite à la présentation de la vidéo de gameplay de Cradle, nous avons décidé de contacter Pavel Mikhailov, concepteur du jeu qui nous a accordé un entretien. Nous sommes donc revenus sur son jeu Cradle, sur lequel il n’est pas avare en informations !
(You can find the original and not translated interview at the bottom of the article / Vous pouvez lire l’interview non traduite en bas de l’article)
Game Sphere : Tout d’abord, commençons avec une question des plus basiques: Pourriez-vous – pour nos lecteurs qui ne savent peut être rien de Cradle – brièvement présenter votre jeu et votre studio de développement ?
Pavel Mikhailov :Cradle est un jeu d’aventure à la première personne – offrant une totale liberté de mouvement au joueur – qui évolue dans un univers de science fiction. L’histoire de Cradle est basée sur les relations entre le personnage principal et une femme mécanique, qui par un mystérieux caprice du destin, se trouvent dans une yourte au milieu des plaines mongoles. La tâche du joueur est alors de rétablir les fonctionnalités du corps artificiel de son compagnon, dans le but de découvrir ensemble le mystère qui plane sur le parc d’attraction abandonné, proche de la yourte.
Si l’on parle en termes purement techniques, le gameplay du jeu est divisé en deux parties. La première consiste en une aventure 3D moderne. Ce qui le rend différent des jeux classiques du genre (la série des Myst, par exemple) c’est que tous les objets ont une existence physique dans le jeu et que les contrôles fonctionnent de la même façon que ceux d’un FPS. La seconde partie du gameplay est constituée de casse-têtes volumétriques et d’éléments arcade.
Notre petit studio se nomme Flying Cafe for Semianimals. Nous nous sommes fédérés autour du désir de créer des jeux pouvant procurer au joueur deux types de sensations: la sensation de “nouveauté éthique” et celle de “proximité des sentiments”. Ces deux choses sont les deux principaux objectifs à atteindre pour notre équipe. Par “nouveauté éthique”, nous entendons le principe de rechercher constamment de nouvelles méthodes d’expression en termes graphiques et en termes de construction d’une histoire, par opposition au fait d’exploiter toujours les mêmes idées banales. Et par “proximité des sentiments”, nous entendons la capacité de nos jeux à pouvoir, non seulement vous abriter à l’intérieur de leur réalité rassurante mais également à créer une persistance de ces sensations même après avoir quitté le jeu, afin de ne pas les laisser disparaître sous la pression de la vie réelle.
Pour l’instant, notre équipe est composée de six personnes. Auparavant, cinq d’entre nous travaillaient chez GSC Game World. Eugene Litvinov et Eugene Lipsky (programming), Viktor Merkulov (modeling and texturing), Roman Malinkin (rigging, animation, physics tweaking, technical direction), Ilya Tolmachev (scenario, art direction, management), Pavel Mikhailov (dialogues, scripting). Une partie du contenu graphique et sonore est quant à lui externalisé.
GS : En se basant sur la première vidéo de gameplay que vous avez publié il y a environ deux semaines, le concept de Cradle semble pour le moins original, mais également assez flou pour beaucoup d’entre nous. Pourriez vous nous expliquer quel est le concept du jeu et comment cela vous est venu à l’idée ?
PM : L’idée principale correspondrait, dans Cradle, à un lieu virtuel qui vous procurerait une inhabituelle sensation de “plaisir d’exister”, et vous submergerait que vous soyez en plein milieu d’une quête ou bien juste débout près d’une clôture à paresser en regardant les herbes vertes qui vous entourent. Tous les éléments constituants de Cradle – l’environement, les dynamiques de gameplay, les rebondissements dans l’histoire – ont été minutieusement sélectionnés, pour assurer la présence d’un tel “endroit”.
Nos sources d’inspirations quant à elles sont issues d’oeuvres d’écrivains tels que Albert Camus (il y a une raison pour laquelle ce nom est au début de la liste de nos inspirations, Ilya et moi même sommes de très grands fans de ses créations), Vladimir Sorokin, Andrey Platonov, les frères Strugatsky, Stanislas Lemm, Peter Watts.
Du point de vue graphique, nos inspirations se rapprochent de ce que l’on peut voir dans le film Close to Eden (Urga), et dans les travaux de l’artiste américain Andrew Newell Wyeth. Nous avons également rassemblé un grand nombre de photos représentant la culture et la vie quotidienne mongoles.
—–
GS : D’après ce que nous avons appris de Cradle pour l’instant, il est censé il y avoir deux personnages. Pourriez-vous nous en dire plus sur leur histoire ?
PM : En fait, le jeu aura plus de deux personnages en quelque sorte. Vous pourrez parler à l’un d’entre eux, et un autre vous aidera de temps à autre. Des personnages importants de la trame seront également présents mais seulement dans des textes et autres supports d’informations que vous pourrez trouver. Mais les deux protagonistes que vous connaissez déjà auront, quand bien même, un rôle central dans l’histoire. Leur passé énigmatique éclairera la compréhension de l’histoire et de l’univers de Cradle et aura un rôle important à jouer dans les évènement qui s’y produiront.
GS : Toujours concernant la vidéo, nous avons pu distinguer plusieurs phases de gameplay. Nous avons vu des scènes dans les plaines mongoles, mais également dans des pièces étranges faites de cubes. Pourriez-vous nous en dire plus sur le genre d’expérience que Cradle offre aux joueurs ?
PM : Le genre et l’ambiance de Cradle varie sans cesse entre le côté “quête” de l’aventure – son gameplay lent, son histoire dense – et la dynamique des casse-têtes. L’étrange salle faites de cubes fait partie d’un pavillon du parc d’attraction.
Les évènements du jeu se déroulent dans un espace restreint – dans la yourte et dans le parc d’attraction. L’histoire est construite autour de la combinaison de ces deux lieux. Ils sont drastiquement différents l’un de l’autre – car ils ont tous deux des mécaniques de jeu, un rythme et un style graphique différents.
La yourte est un endroit calme et placide dans laquelle chaque objet est unique (on ne peut le voir qu’une fois avoir joué au jeu) et détient en son sein des fragments d’une histoire ancienne. Le gameplay à l’oeuvre tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la yourte, lent et contemplatif, consiste en résoudre des tâches à l’aide de la logique afin d’effectuer des recherches sur des objets et découvrir les interactions possibles avec d’autres objets ( en sachant que l’intégralité des objets a été modélisé physiquement). Il consistera également à converser avec la jeune femme mécanique nommée Ida et modifier son corps. Dans cette partie du jeu, Cradle exigera du joueur d’avoir le sens de l’observation.
Les phases de jeu à l’intérieur du parc d’attraction sont d’un tout autre domaine. Et je parle de casse-têtes et puzzles de physique volumétrique intégrant des éléments arcade. A l’opposé de l’aspect poussiéreux de l’esthétique de la yourte, ici tout est composé d’éléments lumineux à la manière de néons. Dans les différents pavillons, vous cédez à une atmosphère plus formalisée, vive et dynamique dans laquelle vous pourrez trouver un peu de répit des tâches “aventure”.
—–
GS : On peut lire sur votre site que vous “voulez combiner le clinquant des productions à gros budget avec le charme des jeux indés”. Pouvez vous nous en dire plus sur ces propos ? Et où avez-vous trouvé vos inspirations lors de la conception de ce jeu ?
PM : Je pense que je ne vais révéler aucun secret en disant que les développeurs indés sont, avant tout, des expérimentateurs. Et de temps à autres, nous assistons à des « découvertes » en terme de gameplay parmi les jeux indés. Bien sûr, cela arrive rarement, mais quand même. L’industrie du jeu vidéo n’apporte rien de nouveau, tout ce que nous voyons est l’exploitation incessante des mêmes mécaniques de jeu, encore et toujours. J’essaie de me souvenir d’un jeu qui ait introduit une véritable nouveauté parmi les best-sellers de ces cinq dernières années, et il ne me vient à l’esprit que quelques jeux Valve.
Dans le même temps, les jeux indés ont un gros inconvénient – la quasi-totalité d’entre eux semblent plutôt laids. Sur la base de ces deux observations, nous sommes arrivés avec le concept qui suit : essayez de concevoir quelque chose de vraiment nouveau et frais, tout en essayant également de rendre l’aspect graphique visuellement et esthétiquement agréable pour les joueurs.
GS : J’aimerais également vous demander de nous en dire plus sur la chanson que l’on peut entendre dans le trailer ? C’est plutôt inhabituel d’entendre ce genre de chansons dans un jeu indé. Est ce que cette chanson a été spécialement conçue pour Cradle ? Et est ce que l’atmosphère du jeu sera aussi dans ce genre là ?
PM : La musique que vous pouvez entendre dans le trailer a été composé par des amis, un groupe Ukrainien nommé B2B. Le jeu contiendra la version intégrale de la chanson. Cette piste a été écrite spécialement pour notre projet. Nous sommes – moi même et Ilya Tolmachev – très impliqués dans la composition de la bande son. Ilya a cependant été le seul à écrire le texte de la chanson du trailer. En ce qui concerne son atmosphère, la chanson n’en reflète qu’une partie de ses plusieurs facettes.
—–
GS : Si vous souhaitez ajouter d’autres informations (peut-être sur quelle plate forme Cradle va sortir, ou quelle sera sa durée de jeu), n’hésitez pas à nous en faire part ici.
PM : Les plates-formes de lancement seront le Pc et le Mac et peut-être également Linux. Nous souhaiterions également sortir Cradle sur les supports iOS et Android, mais cela demanderait une grosse refonte graphique, nous allons donc sûrement nous nous y attellerons après la sortie du jeu. D’une manière générale, nous aimerions rendre disponible le jeu à tous les joueurs qui y sont intéressés, c’est pour cette raison que nous avons beaucoup de plates-formes de prévues. On considère aussi sur la possibilité de porter le jeu sur consoles, mais c’est une tâche plus difficile à mettre en œuvre.
Cradle a un temps de jeu assez court, il a été conçu pour durer environ 4 heures. Malgré tout, si les joueurs s’attellent à une exploration plus minutieuse de l’environnement du jeu, la durée de vie pourrait s’en retrouver grandement augmentée.Notre objectif principal est focalisé sur l’histoire, nous ne voulons pas rallonger artificiellement la temps de jeu au détriment du scénario.
—–
GS : De la part de l’équipe, des lecteurs de Game Sphere et des amateurs de jeux indépendants, nous vous remercions de nous avoir accordé un peu de votre temps et vous souhaitons bonne chance pour le futur.
PM : J’aimerais terminer – sur une note personnelle – par ajouter que je suis un grand fan de la culture française. Que cela soit dans le domaine de la littérature, du cinéma, de la musique ou encore des jeux, ils ont tous un style et une atmosphère bien à eux. Merci à Game Sphere pour cette interview, et mes sincères salutations à tous les amateurs de jeux indépendants pour leur intérêt et leur retour positif concernant notre projet !
Nota Bene: Un grand merci à Maxim Mongolski qui s’est occupé brillamment de la communication avec Pavel Mikhailov. Et merci également à Gentlestorm de m’avoir assisté pour cette traduction fleuve.
Pas mal de révélations autant sur le jeu que les inspirations qui y ont conduit. interview très intéressante, et une traduction fluide, bravo au rédacteur et merci au concepteur de s’être prêter à l’exercice. Je n’ai que plus envie de poser mes mains sur le bébé de FCS !
J’ai également trouvé que le contenu de l’interview était très intéressant ! Quant à la forme, le texte était plutôt dense, et du point de vue de la traduction ça m’a pris la journée. Le but étant de faire passer en priorité le sens. Tant que ça fait français au final, c’est bon
Ouch ! Ça c’est de l’interview !
Belle interview.
Par contre si je peux me permettre une remarque sur la trad : “la quasi-totalité d’entre eux semblent plutôt mauvais.” Il ne dit pas qu’il sont mauvais mais “look rather bad”, c’est à dire qu’ils sont plutôt moches. Sinon on a l’impression qu’il pense que les jeux indés sont nuls… ça à pas l’air d’être le cas
Exact, coquille qui a dû passer entre les mailles de la relecture. C’est corrigé.
Cela dit je pense pas non plus que l’ancienne trad soit fausse. Si on suit son propos, il dit que les jeux indés sont novateurs mais semblent mauvais à première vue (et pas forcément moche obligatoirement). Je me rappellerais toujours un pote qui en voyant Braid me sort: “bah putain, qu’est ce que c’est moche”
le “look bad” peut tant concerner l’aspect graphique que l’aspect général d’un jeu (synopsis, graphismes, gameplay) donc, ni “moche”, ni “mauvais” n’est vraiment juste/faux.
Voilà c’était une petite précision