Interview de WhiteTigle, un savant fou de l’indé !
Pour tout ceux qui connaissent Hordes à ses débuts, vous connaissez surement WhiteTigle qui est à l’origine de ce jeu ! Pour les autres, c’est l’occasion de connaitre un expérimentateur de l’univers indépendant. Désormais à la tête de son propre studio : Think Slow, il a sorti un premier jeu Mind Labyrinth. WhiteTigle se démarque grandement par son originalité : un jeu jouable entièrement avec un casque qui lit les ondes cérébrales ? C’est possible et WhiteTigle l’a fait ! Son parcours, Hordes, Think Slow, Mind Labyrinth, ses expérimentations et bien d’autres, WhiteTigle est bien bavard avec nous;
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Game Sphère : Bonjour WhiteTigle, tout comme pour Deepnight, je t’ai connu au début de hordes lorsque tu étais à la Motion Twin. Peux-tu nous raconter ton parcours dans le milieu du Jeux vidéo ?
WhiteTigle : Eh bien mon parcours est assez long et assez court…
Assez long parce que je joue depuis longtemps aux jeux vidéos et jeux de plateaux.
Depuis le sinclair zx81 en passant par l’amstrad cpc 464 avec ses jolies cassettes et ses formidable symphonies de chargement qui pouvaient durer longtemps, longtemps… Par exemple pour charger un niveau de Ghostbusters 2 il fallait un bon quart d’heure !
J’ai ensuite eu un amiga 500 avec ses incroyables jeux que tout le monde tourné vers l’émulation connaît, un powermac qui n’avait d’autre intérêt que faire tourner Myst et Gabriel Knight et enfin des PC, plus ou moins bons.
Je n’ai goûté que tardivement aux consoles avec l’Amiga CD32 (…), la dreamcast (qui a joué à Le Mans 24 heures sait ce qu’est le jeu de course arcade ultime) et puis la Wii (mouaif) et la XBox 360.
Mais grâce à mes amis j’ai pu tester The Ultimate Whatever Game : Legend of Katamari sur PS2. Et je suis donc une personne comblée !
J’ai également passé énormément de temps sur les jeux Games Workshop comme Epic 40000, Space marine, Space wolf, HeroQuest, Warhammer, bloodbowl et puis ausi quelques jeux de rôles comme Call of Cthulu, AD&D et Shadowrun.
Donc mon parcours a commencé par ‘jouer’. J’ai essayé de faire quelques projets perso de jeu mais je n’ai vraiment commencé à en créer qu’une fois chez Motion-Twin à partir de 2004.
Avant ça je codais des jeux pour la vie des entreprises
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Gs : Avant de parler de tes projets actuels, je vais faire un petit détour sur Hordes. Est ce que tu peux nous en dire plus sur son développement ? Tu n’as pas de temps en temps une pointe de nostalgie concernant ce jeu ?
W : Ah lalala… Hordes… C’est à la fois une histoire de Passion, de Haine, de formidable esprit d’équipe et d’amitié;
Cette question est fâcheuse parce que je pourrais écrire un roman dessus.
Bon allez hop comme je ne l’ai jamais fait jusqu’ici je vais révéler la véritable histoire de Hordes (mais Deepnight avait déjà fait une partie du boulot).
1ère info exclusive : Hordes est un jeu de survie… Bouddhiste !
Eh oui. Mourir, renaître, mourir, renaître toujours dans le même enfer, c’est ça le cycle du samsara : tant qu’on continue sur les mêmes schémas eh bien on reste dedans, bien profondément.
Donc je voulais que les joueurs s’habituent à cette idée de réincarnation et au fait qu’ils ne sortent jamais de cet enfer parce qu’ils continuent à réagir selon les modalités de cet enfer ( voler, tuer, juger, etc… )
Un autre niveau de cet enfer est celui des zombies qui ont encore moins de choix !
Cependant, je n’ai pas proposé aux joueurs de pouvoir s’en sortir….
Ils/elles ne me pardonneront peut-être jamais (ah la la la le poids karmique sur mes épaules)
2ème info exclusive : Avant de s’amuser avec des zombies, il était question de survivre dans un environnement dégradé suite à une catastrophe naturelle… Le tsunami… Vous vous souvenez j’imagine…
Mais bon quand j’ai proposé l’idée à mes chers amis, ils ont trouvé un univers un peu plus « fun » pour les joueurs. C’était le début de la grande vague zombie partout partout. Heureusement ils ont eu raison.
Et puis moi j’étais un peu trop dans mon trip serious game.
3ème info exclusive : Le jeu a été codé en utilisant pas moins de trois langages de programmation différents !
Parce qu’à l’époque mon cher ami Nicolas qui développait déjà des langages maison pour Motion-Twin a eu le temps de passer par trois itérations successives avant d’arriver en fin de compte sur Haxe (www.haxe.org) le langage du strass et des paillettes
Depuis je n’ai plus quitté Haxe.
4ème info exclusive : le jeu a été développé pendant 2 ans ! Un terrible calvaire dont le point d’orgue aura été le premier Armageddon en décembre 2008.
J’ai été très seul pendant une longue période parce qu’il fallait que je trouve un chemin mais heureusement Deepnight et Bumdum principalement ont permis au projet de devenir ce qu’il est.
Au final Hordes et une véritable aventure collaborative ! Un véritable travail de titan entre amis.
5ème info exclusive : la véritable pancarte du jeu en vrai bois faite avant le festival du jeu vidéo de 2009 et couverte de vrai sang de boeuf séché ainsi que des fragments de chair de bouc est hébergée dans les bureaux de Motion-Twin comme une relique sacrée ! (tout ceci est presque vrai)
6ème info exclusive : hordes, c’est Deepnight qui l’a géré intégralement depuis 2009 une fois que je me sois grillé après mes deux années de codage de folie (il était grand temps que je passe à autre chose afin de ne pas achever ma transformation en zombie ).
Merci à toi, oh grand Deepnight d’avoir eu ce courage !
Actuellement je sais qu’il est suivi par une joyeuse équipe que je salue au passage.
7ème info exclusive bonus : au début du dev j’avais prévu une console de communication à la BAT2 pour les joueurs perdus dans le désert avec un système de commandes et tout et tout. J’ai perdu un mois dessus avant de l’abandonner. Elle s’est perdue dans les archives du code de Hordes. Un bon exemple des trucs qui ont l’ai sympa mais qui au final n’apportent rien.
8ème info exclusive réservée aux codeurs : j’ai réellement découvert ce que signifiait slow query quand des milliers de joueurs essayaient de se connecter en même temps aux centaines de parties en attente. L’enfer. Je pense que les premiers joueurs s’en souviennent ! Sans Skool et Warp les joueurs seraient encore en train de tirer la langue.
9ème info : Mon cher corbeau, tu me manques… Croôaaaaaaaa !
10ème info : Merci hiko pour le pipboy !
Voilà, voilà, ça fait pas mal d’infos, non ?
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Gs : Tu as sorti sous l’enseigne de ton studio ThinkSlow le jeu MindLabyrinth, en quoi consiste le jeu ? Pourra-t-on le voir un jour débarquer sur support mobile?
W : MindLabyrinth est un jeu de réflexion qui se passe dans un univers Maya.
Il s’agit de faire progresser une statue maya au travers d’une cinquantaine de niveaux, en activant et désactivant des mécanismes avant son passage. Donc, vous l’aurez compris, cette statue avance tout le temps, la coquine…
Ce jeu était avant tout destiné au marché émergeant du casque Mindwave de Neurosky pour des joueurs occasionnels.
Cependant la version qui fonctionne sans casque est plutôt destinée à ceux qui ont envie de se creuser les méninges en étant un peu stressés…
Cela dit comme nous avons bon espoir que les gens essaient à terme de jouer avec un casque Mindwave de Neurosky tout comme ils jouent avec un Kinect, eh bien MindLabyrinth propose donc les deux modes directement, avec ou sans casque. Le jeu dans chaque mode est très différent dans sa façon de jouer.
En ce qui concerne le support mobile ça dépendra un peu du succès du jeu
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Gs : Il y a dans MindLabyrinth une seconde façon de jouer… avec son cerveau ! Mais vraiment ! Tu as apporté au jeu la possibilité (si on a un casque adéquat) de jouer avec son esprit. En quoi consiste le gameplay du jeu lorsqu’on joue avec cet outil ?
W : Alors c’est simple : pour désactiver les pièges ou activer les mécanismes, le joueur doit être attentif. C’est plus facile à dire qu’à faire parce qu’on ne sait pas vraiment ce qu’est l’attention avant d’essayer de comprendre ce que c’est.
Par exemple si vous lisez cette interview avec attention, eh bien j’ai réussi à capter votre attention, c’est à dire à augmenter l’amplitude des ondes Bêta qui traversent votre cerveau.
Mais si vous lisez en diagonale alors vous n’êtes pas très attentif-ive Bon ça paraît simple mais ça ne l’est pas parce que l’attention est une activité à part entière. C’est un effort. D’ailleurs on le dit bien : « essayez d’être attentif », « faites attention », etc…
Ensuite le jeu vous permet également de récupérer des vies en méditant.
Oui, oui, en méditant. Alors là c’est pas facile non plus de savoir ce qu’est ma méditation avant d’avoir essayé.
Mais l’analogie était intéressante vu que dans la vie réelle, si vous méditez vous vous régénérez également. Donc là c’est le double effet kiss-cool ™ : vous jouez et hop vous rechargez (un peu) vos batteries et celles de votre statue.
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Gs : J’ai pu lire sur ton blog que tu avais un nouveau projet assez ambitieux et *très* expérimental qui va de nouveau les données traités par un casque qui capte les ondes cérébrales du « cobaye ». Sauf que cette fois-ci, tout ton projet sera axé dessus. Tu peux nous expliquer plus en détails ton projet ?
W : Eh bien les neurosciences sont un axe de recherche très récent extrêmement intéressant pour l’avenir de l’homme parce qu’elles permettent de comprendre encore mieux les différentes relations qui s’effectuent au cœur de notre ordinateur de bord : le cerveau.
Comprendre le fonctionnement de nos relations neuronales, analyser les impulsions électriques qui parcourent notre corps permettra à terme de pouvoir résoudre certaines maladies neurologiques et aussi commencer à faire évoluer notre cerveau.
En effet, on commence maintenant à comprendre comment fonctionne la mémoire et quel lien existe entre nos habitudes, nos réflexes et nos neurones. Par exemple saviez-vous que chaque fois que vous faites quelques chose, vous créez des connexions entre vos neurones ?
Ces connexions se raffermissent avec le temps et les liens se mêlent de plus en plus. Ainsi une petite action récurrente va se transformer en terrible habitude que vous aurez bien du mal à chasser parce que vos neurones sont déjà bien connectés entre eux.
Mais aujourd’hui, sachant cela, vous pouvez essayer de vous « déshabituer », d’assouplir ces connexions et de vous « ouvrir » par exemple en méditant.
Tout ce la me fascine et permettra sans nul doute d’ouvrir la conscience de l’homme à de fascinantes perspectives dénuées de tout le fatra de l’égo, de la fierté, de la cupidité, etc… Bref de « mauvaises » connexions neuronales qu’il s’agit juste d’assouplir.
Donc mon projet est de réitérer des expériences déjà faites dans le monde scientifique avec le casque de Neurosky, qui est beaucoup moins cher (compter 100€) que tout le matériel professionnel, afin de mieux comprendre la création et la stimulation des ondes cérébrales pour enfin utiliser ces mécanismes dans mes jeux.
Lectrices, lecteurs francophones, si vous avez le casque et si vous souhaitez faire des expériences avec, contactez-moi pour que nous partagions cela J’ai déjà quelques idées de jeux multi-joueurs…
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Gs : N’as-tu pas peur que par le fait que la possession d’un casque EEG soit obligatoire pour ton projet, celui-ci ne s’adresse qu’à un public très restreint ?
W : Bien entendu, c’est un marché très novateur et qui risque également de ne jamais décoller. Ça dépend beaucoup de la qualité des applications qui seront disponibles à terme. Mais j’espère contribuer à ce que cela décolle, justement.
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Gs : Un premier jeu qui s’appelle *Mind*Labyrinth, un nouveau projet dont notre cerveau sera le joueur principal, un studio qui s’appelle Thinkslow (et puis, pourquoi pas ThinkFast?). Bref, d’où te viens cette amour pour la matière grise ?
Ah… cela remonte à très loin. Mais je pense que nous pouvons et nous devons sortir un peu de nos schémas de conscience traditionnels pour nous ouvrir réellement au monde sans passer par le prisme des médias qui n’offrent qu’une bien triste distorsion de ce qu’est la vie en réalité.
Le jour où on sortira de la jouissance très reptilienne que nous apportent les FPS actuels, ceux qui ne nous laissent même plus imaginer quoi que ce soit, le jour où on s’apercevra que la 3D nous invite à nous vider de notre imagination alors nous pourrons devenir d’authentiques joueurs, des joueurs prêts à jouer à tout ce que la vie nous réserve, pas juste les deux-trois réflexes qu’on nous demande actuellement. Moins de choix conditionnés, l’infinie étendue des possibilités qui s’ouvrent à nous.
Bref, quand le jeu sera considéré jouissif parce qu’inattendu alors nous serons passé à l’étape suivante.
Et moi je voudrais bien y arriver et aider mes ami-e-s joueuse/joueurs à faire de même si ça leur dit
Et ça tombe bien, après l’expérience Hordes, je pense que c’est possible !
PS : pas thinkfast, parce que c’est ce qu’on fait tout le temps.
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Gs : Des zombies dans le passé, de la réflexion il y a peu, des ondes cérébrales pour bientôt, à quoi peut-on s’attendre pour la suite ?
W : Eh bien là pour l’instant on peut s’attendre à un jeu de reconnexion personnelle sur mobiles (mais qu’est-ce que c’est que ça) et des petits persos hauts en couleurs peut-être bientôt également (voir ludum dare).
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Gs : A la Motion-Twin tu programmais des jeux sur navigateur, et depuis tu sembles t’écarter de ce support. Au final quel est le support que tu préfères et pourquoi ?
W : Eh bien je ne rejette pas le support sur navigateur mais j’avoue être plus intéressé par les projets sur supports classiques et aussi supports mobiles et aussi des interactions rigolotes avec arduino.
Il existe également un gros argument de temps : comme je suis tout seul à faire des jeux online, mon ancienne spécialité, est très long et demande beaucoup, beaucoup d’énergie vu la multitude de couches à gérer en terme de programmation (clients à couches multiples et serveurs multiples ) et d’administration système (OS, bases de données, serveurs de mail, backups, serveur webs, load balancing, etc… ).
Mais, pas de soucis, tout cela peut changer au gré des projets et des expériences et de mes rencontres…
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Gs : Le Ludum Dare c’est très bientôt, est-ce que tu comptes participer à cette édition ?
W : C’est fait ! Vous pouvez jouer à mon petit jeu de petits régicides – pour public averti – ici :
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Gs : Merci d’avoir répondu à nos questions, le mot de la fin est pour toi !
W : FIN !
J’en profite pour remercier les joueurs / joueuses et l’équipe de modération de monlapin / miconejo pour le remarquable travail effectué avant mon départ de Motion-Twin en 2010. Parce qu’on a beaucoup parlé de Hordes, mais avant Hordes à Motion-Twin il y a eu les… Zolis lapins roses !
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Quel parcours !!! Je vais me renseigner sur ce casque .. !
Etant également développeur expérimenté et mordu de spiritualité/méditation, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette interview ! Merci du partage et excellente continuation à Whitetigle !