Chronique : Towns et Gnomoria, deux DF-like modernes
Towns et Gnomoria, disponibles en alphafunding sur Desura, sont clairement des hommages à Dwarf Fortress (lire la premiere partie de la chronique), qui est leur mentor. Ici, on ne s’embarasse pas de chichis, et on tape dans le mode fortress uniquement, mais de deux façons qui, finalement, ne sont pas identiques… Qu’est ce que ça donne ?
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Towns
Sur le site internet du jeu, on retrouve une phrase décrivant très bien, quoique de façon un peu naïve, l’essence même de Dwarf Fortress, et plus particulièrement l’approche choisie par le jeu : “Au lieu de jouer le héros qui s’enfonce dans le donjon, que diriez vous de jouer le rôle de la ville qui accueille et s’occuppe de tous les besoins de celui ci ?”. Et finalement, même si c’est un peu réducteur, c’est exactement cela que propose le jeu.
Dans Towns, vous vous retrouvez tout comme dans DF, en plein milieu de nulle part, avec vos quelques péons, déseuvrés et perdus. Ici, pas de caravane, pas d’aide, welcome to the jungle et bon courage. Alors on a l’habitude, on commence par récolter de la nourriture, pour prévoir les futurs besoins, avant de se mettre à couper du bois et ramener des ressources. Mais là où Towns se démarque de son prédecesseur, c’est qu’il introduit toute une dimension “à l’air libre”. Vous pouvez construire des maisons, des routes et nombre de bâtiments/outils de plein air, qui vous seront de toute façon nécessaire.
Ainsi, plutôt que de directement s’enfoncer dans une montagne (de toute façon, pour le moment, les reliefs sont principalement des collines), on va plutôt vite construire des maisons pour abriter toutes les activités critiques telles que les ateliers de bois, maçon, etc. C’est seulement une fois bien installé, l’agriculture lancée et efficace, qu’on creusera un trou (ou du moins qu’on agrandira celui déjà fait pour récupérer un peu de pierre pour ces constructions) pour commencer à s’enfoncer.
Towns introduit un concept très intéressant, qui fera plaisir aux adeptes de Majesty et Majesty 2 : les héros. Ces personnages se démarquent de vos habitants dans le sens où vous n’avez strictement aucun contrôle sur eux. Ils viennent dans votre village, et s’y comportent comme n’importe quel héros de RPG : en profitant des magasins, auberges, etc, et en massacrant les monstres/donjons. Cette approche, que l’on ne retrouve que trop rarement (Recettear ? Majesty ? Deux exemples qui viennent en tête, suivis… D’aucun autre, si ce n’est les Dungeon Keeper-like), est extrêmement plaisante. Ces héros peuvent aussi bien être des atouts, vous débarassant des monstres dans les étages dangereux sous le sol, pour que vous puissiez récupérer des ressources plus rares, que des poids, provoquant bagarres, ou volant dans vos réserves.
Towns prend résolument une tournure plus axée “action”, et moins “construction complexe”. En effet, une grande profondeur a été donnée au système de craft avec les morceaux de monstres, via de très nombreux types de matériaux, et une randomization des stats/noms/caractéristiques/effets des armes et armures juste génialissime, digne d’un hack’n’slash, profondeur qu’on ne retrouve pas au niveau des possibilités même de construction (mécanismes, pièges, etc), ce qui est un peu dommage.
Toutefois, rien n’est parfait, et le jeu est encore en développement, gageons que cette carence sera comblée avant la sortie du jeu. Mais abordons maintenant un aspect important, pour une fois : l’ergonomie et les graphismes.
Comme dit précédemment, DF est un modèle d’ergonomie et de design très lourd et peu accessible. Towns, même s’il représente une avancée certaine, reste toutefois bien en deça de ce que l’on pourrait attendre. L’UI (interface) dans l’ensemble est plutôt laide, et peu pratique, se perdant en sous catégories futiles, alors que d’autres types d’agencement auraient été plus pratiques et esthétiques.
On peut et on doit, fort heureusement, jouer à la souris principalement (+ des raccourcis claviers, comme dans un RTS), mais là aussi, ce n’est pas parfait, et la disposition des touches et fonctionnalités n’est pas intuitive. On ne sait parfois pas s’il faut faire un clic gauche ou clic droit (chose qui n’arrive jamais sur les RTS actuels), et on peste finalement contre un système un peu trop rigide.
Gardons quand même une nouvelle fois à l’esprit que nous sommes là en face d’une alpha, et que de nombreuses modifications seront apportées. Graphiquement, le jeu manque de personnalité, mais s’avère très propre, avec une 2D bien réalisée, et surtout, un tout très fluide. En effet, même si le jeu est bien évidemment basé sur un système de tiles, les développeurs ont introduit des transitions de déplacement entre chaque cases rendant extrêmement bien in game. Fini les personnages qui clignotent dans tous les sens !
Alors, qu’en conclure ? Towns aborde le genre avec un oeil nouveau, et tente de s’orienter vers une approche plus axée RPG/héros, vraiment intéressante et avec un potentiel énorme si bien réalisée. Les développeurs sont sur la bonne voie, même s’il reste du travail en terme d’ergonomie, et on espère qu’en parallèle, le contenu “de construction” plutôt que d’action ne sera pas mis de côté.
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Gnomoria
En face, ou plutôt à côté, on trouve Gnomoria. Tout de suite, le nom met la puce à l’oreille : on se focalise sur les gnomes, tout comme dans Dwarf Fortress on se focalisait sur les nains, deux races réputées pour leur tendance à vivre sous terre ou dans les montagnes. Et effectivement, contrairement à Towns, Gnomoria suit à la lettre son modèle.
Pour la troisième fois, on se retrouve lâché au beau milieu de rien avec son petit groupe (de gnomes, ici), et cette fois ci bel et bien une caravane. Ne faisons pas durer le suspens : en terme de mécaniques de jeu, Gnomoria s’avère très semblable à Dwarf Fortress. Mais attention, il ne faut pas voir là une critique, au contraire. Gnomoria a su tirer de DF toutes ses mécaniques, idées et fonctionnements de qualité, qu’il a récupéré, et au final, on se retrouve avec une expérience de jeu extrêmement profonde, et contrairement à Towns, orientée vers la construction et la gestion d’une forteresse.
Alors bien sur, certaines mécaniques sont propres à Gnomoria, mais dans l’ensemble, on retrouve tout ce qui fait la force de DF dans le jeu. Là où Gnomoria s’en éloigne, et en bien, c’est en terme d’ergonomie et de graphismes. En effet, Gnomoria se pare d’un pixel art de toute beauté, à la fois mignon et efficace, offrant au jeu un cachet irrésistible. On pourrait le comparer à Roller Coaster Tycoon, sur ce point, les graphismes s’en rapprochant vraiment en terme de finesse et d’efficacité.
Pour souligner cette apparence rétro-moderne réussie, on retrouve également un schéma de contrôle plutôt astucieux, quoique que pas encore tout à fait au point. En effet, exit l’interface intrusive et envahissante de DF, exit l’interface plutôt laide et basique de Towns, et place à… Rien ! Gnomoria est épuré, et ne s’encombre pas d’infos inutiles dans tous les sens sur l’écran, au contraire.
Tout se fait au menu contextuel. En effet, d’un simple clic droit, on amène un menu contextuel permettant de choisir quoi faire. Miner, récolter, désigner une stockpile (zone de rangement), annuler une désignation, construire un outil, tout y est, dans divers sous menus déroulants. Et c’est peut être là que ça fâche : le tout, s’il est très esthétique et réussi dans l’idée, s’avère parfois pénible à utiliser. Les diverses options sont petites, et très vite on va mettre la souris sans faire exprès sur le menu d’en dessous, fermant le menu déroulant actuel, ce qui peut devenir rageant.
Alors certes, ces considérations sont plutôt futiles, mais elles prennent leur importance quand tout le gameplay du jeu s’axe autour du menu contextuel, à peaufiner donc. En parallèle, le jeu possède par défaut des raccourcis aux positions assez discutables, mais passons.
Chaque établi, outil et autre possède sa petite fenêtre, permettant de choisir ce que l’on créée, avec quoi, etc. C’est évident, Gnomoria est une réelle progression et modernisation sur son modèle, DF.
Finalement, on peut dire que Gnomoria est bien parti pour être le DF moderne. S’il lui manque encore un peu de la profondeur de son aîné, il n’a pourtant pas grand chose à lui envier, et lui fait un énorme pied de nez avec son interface bien mieux pensée et agréable à l’utilisation.
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Towns et Gnomoria, compétition ou entraide ?
Finalement, s’ils jouent dans la même cour, Towns et Gnomoria n’en sont pas pour autant deux rivaux. Tous deux essaient de moderniser et rendre plus accessible un concept génialissime, malheureusement encore trop peu utilisé, et ce de deux façons bien distinctes. Tandis que Gnomoria colle pour le moment du mieux qu’il peut à son modèle, Towns lui en a simplement puisé nombre de mécanismes, avant d’intégrer à sa recette toute une composante visant plutôt les Diablo et autres hack’n’slash, offrant ainsi une approche bien différente.
Alors plutôt que de les opposer, mieux vaut les mettre côte à côte, et les pousser dans la même direction. Les deux sont prometteurs, possédant déjà une excellente base, et les deux ont leurs faiblesses à corriger avant la sortie. Les deux sont à suivre, et à soutenir, en espérant rendre le concept plus connu et répandu, histoire que Dwarf Fortress ne soit plus un jeu (et un concept) uniquement réservé à une élite de joueurs.
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