Test : The Novelist, la nouvelle qui s’éternise
Peut-être avez-vous déjà entendu parler de The Novelist. Ou peut-être pas. Ou bien il est possible que vous ayez pensé, bon nombre de fois, que l’écriture faisait partie intégrante de l’élaboration d’un jeu vidéo mais que bien peu de jeux laissent à cette écriture une marge suffisamment grande une fois finalisés. Et si on vous proposait un jeu pour lequel l’écriture ne se limite pas qu’à sa phase créative mais serait le pilier central de sa progression ?
C’est ce que revendique The Novelist, jeu à la première personne où vous représentez une entité médiatrice/divine/bénéfique/faiseuse de troubles, le tout en huis-clos… Si, comme pour le commun des mortels, ça vous semble beaucoup pour une seule entité, par ici pour le détail :
Passivité, maître mot de The Novelist.
The Novelist a pris le parti, à la fois technique et narratif de ne se dérouler qu’entre les murs d’une maison résidentielle. Pas une seule fois vous ne sortirez de cette maison. Les évènements venant de l’extérieur y auront leur influence mais rien de plus, et c’est peut-être là le premier problème de The Novelist : rien ne se passe à l’intérieur de la maison. Vous avez un retour écrit de ce qui a pu arriver mais vous n’assisterez quasiment pas à quoi que ce soit en dehors des allées et venues de la famille Kaplan, composée d’une mère artiste-peintre, du père écrivain et du fils en mal d’attention paternelle.
Comme indiqué plus haut, vous incarnez « quelque chose » qui se doit de rester invisible aux yeux de la famille et vous vous contentez d’avoir accès à des bribes de pensées, de mémoires de ses membres. Avant tout, vous devez ramasser divers indices disséminés dans la maison qui vous permettront de cerner les désirs de chacun. En fonction de cela, des choix vous seront offerts, choix qui se traduiront en faits par des prises de parti quant aux revendications des uns et des autres : par exemple, si Linda se sent d’humeur créatrice, le père dans une dynamique d’affirmation pour son roman en cours et le fils en quête de distraction, un premier choix parmi ces trois propositions vous sera imposé. Une fois ce choix fait, la nuit tombera et vous aurez la possibilité de faire un « compromis » en choisissant un désir supplémentaire et enfin souffler votre/vos décision(s) à l’oreille du père. Après cela, la nuit passe et un chapitre avec elle, le lendemain apportant un récapitulatif des conséquences de vos choix.
Et le lendemain, et la nuit. Puis de nouveau le lendemain et de nouveau la nuit. Puis…
« Bis repetitam placent »… Mais tout de même.
« Il est bon de répéter », ça ne date pas d’hier, et sûrement d’avant les rares souvenirs des cours de latin du collège. Mais peut-être que The Novelist aura un peu trop intégré ce proverbe. En effet, le jeu se répète. Évidemment, cela ne surprend pas au premier abord puisque qu’on partage le quotidien d’une famille, dans tout ce qu’elle a de passionnant comme de banal. Mais là où la sauce ne prend pas, c’est au niveau de la manière dont l’expérience nous est présentée. Être face au même espace, aux mêmes protagonistes pendant toute la durée du jeu n’est pas en soi un mauvais choix. La sensation d’intimité peut s’en trouver renforcée et le sentiment d’implication également.
Mais, malheureusement, il se trouve que les rares éléments potentiellement changeants ne le sont absolument pas : bien que disposant d’une baie vitrée défiant toute concurrence par ses dimensions, le paysage qui nous est offert (sans être affreux) est insipide, dénué de toute animation, et à l’originalité… Qui n’est pas des plus frappantes. Alors certes, un paysage, ce n’est pas ce qui fait un jeu me direz-vous. Mais il y joue un grand rôle quand il se trouve que le seul et unique horizon mis à votre disposition est ce panorama. Ensuite, sans pour autant demander autant d’effets spéciaux que pour un blockbuster, les informations qui vous permettent de situer où en sont les uns et les autres vous sont majoritairement données des deux mêmes façons : vous trouverez, posée sur une table, une lettre écrite de la main d’un tel ou d’une telle, ou bien aurez droit à une image noire et blanc sous-titrée d’un texte à la machine vous résumant ce que le protagoniste en question aura accompli. Et sincèrement, on s’en lasse.
Rien que quelques cinématiques nous permettant de voir les Kalans autrement que livrés à leur cercle de mouvements respectif et répétitifs aurait permis d’apporter une grande diversité au jeu… et pourquoi pas de nous distraire de sa morosité !
Encore un peu de joie de vivre ?
Oui, car The Novelist est triste ! Nul doute que nous ne vivons pas dans un monde de bisounours, loin s’en faut. La famille, ce n’est pas une mince affaire, encore moins un quotidien teinté de bisous bavouillant et de barbes à papas aussi roses que les joues d’heureux bambins. Non, la famille c’est une affaire compliquée, et d’ailleurs si c’était simple, on ne ferait pas autant d’argent en sortant toujours plus de « manuel du parfait papa » (existe aussi en version maman).
On s’en doute, un jeu mettant sur un même plan la réussite professionnel, créative et affective d’une famille ne pouvait que difficilement être gai. Mais l’ennui, c’est qu’on se retrouve dans une situation où tout repose sur nos épaules. Et de ce côté-ci, le pari des développeurs est gagné ; ce poids, on le sent y peser. Mais les teintes ternes, les passages (ultra) fréquents au noir et blanc, les poses prostrées des personnages et le caractère quasi-irrévocable (et cataclysmiques) que semblent contenir chacune de nos décisions nous plongent irrémédiablement dans la déprime. Un jeu triste, qui fait passer des sentiments, c’est agréable d’une certaine manière. Mais The Novelist nous balance cette tristesse comme une série de coups de poings. Et, force est de le constater, se faire tatanner l’occiput émotionnel, ça lasse.
The Novelist avait de quoi susciter l’excitation. Et on ne peut s’empêcher, une fois la séance de jeu finie de se dire qu’il possède un réel potentiel, à tel point que, plutôt que de le jeter sans vergogne aux oubliettes, on en viendrait à souhaiter un « The Novelist 2.0 ».
Malheureusement, sa direction artistique (sans être pour autant calamiteuse) est loin d’être parfaite et son gameplay est rigide et vous met à la place d’un carré en train de se mouvoir dans un labyrinthe polygonal aux couloirs étroits. Du côté de la narration, séduisante au début, elle finit par faire cruellement sentir un manque de diversité qui donne la sensation de faire des allers-retours constants, sans pour autant changer d’endroit.
Enfin, la tristesse est omniprésente. Trop. Un jeu qui ne respire pas la joie de vivre à chaque tournant n’est en rien un mauvais jeu. Mais faut-il encore que la tristesse nous soit délivrée finement.
Résumé
Les + | Les - |
---|---|
L'originalité de la démarche des développeurs, un aperçu sans fioriture de ce à quoi pourrait ressembler une famille, la torture mentale ressentie. | La répétitivité graphique et narrative, la morosité inhérente au titre, la pesanteur du titre |
Score du jeu : |
Sur le même thème :