Test : Continue?9876543210
Sur la page Steam : « Continue? est inspiré par les road trips sans destination, les drogues de la jungle péruvienne, et le frôlement de la mort quand perdu dans les montagnes de la nouvelle Mexico. C’est une quête pour l’étonnement, la contemplation et la paix. ». On est bien avancés.
Toutefois, cette description a l’avantage de faire comprendre une chose par rapport à Continue?9876543210 : ça va être vachement prétentieux. Mais commençons par le commencement, avec le pitch – plutôt attirant – du jeu. Vous incarnez un personnage de jeu-vidéo, après sa mort. Il est encore dans la mémoire RAM de l’ordinateur, mais plus pour longtemps : le garbage collector (processus de désallocation de la mémoire automatisé, pour les néophytes) arrive, pour le faire définitivement disparaître.
C’est là que vous incarnez Kye dans sa fuite permanente vis à vis du GC. Celle-ci va se dérouler d’une façon très simple, en 6 niveaux choisis aléatoirement parmi les 11 du jeu. Chacun de ces niveaux possède des PNJ apparaissant aléatoirement pendant un instant, des portes, et trois sorties, bloquées par des rochers. Ces niveaux sont soit découpés en 4 rounds de 45 secondes, soit en 2 rounds de 60 secondes.
Pendant ces rounds, vous vous déplacez au sein du niveau, parlez aux PNJ pour discuter, récupérer des informations (notamment des indices par rapport à certaines réponses), ou leur acheter l’ouverture de portes. Dans les portes, vous aurez la possibilité, auprès d’un PNJ, de choisir « Prayer » ou « Lightning ». Ce premier choix vous procurera de nouveaux abris (nous expliquerons cela plus tard), le second choix permet de frapper aléatoirement des rochers bloquant les sorties.
Dans certaines portes, il vous faudra répondre à une question (donc la réponse peut être trouvée en parlant aux PNJ) vous donnant soit 3 Lightning, soit un Medium Shelter (au choix). D’autres, aussi particulières, vous mèneront à un autel, auquel il faut ramener un objet précis (là aussi deviné via les PNJ), qu’il faut donc avoir.
Au bout d’un round, vous vous faites dégommer par le Garbage Collector, et il faut combattre, parfois en 2D, parfois non, contre des sortes de monstres représentant la désallocation de la mémoire. Si vous réussissez, vous gagnez des clés et parfois un peu de foo (sorte de monnaie du jeu). Si, à la fin de tous les round (donc 2 ou 4 en fonction de la zone) vous n’avez pas encore débloqué et pris une sortie, toute la zone est écrasée dans la mémoire, et c’est game over.
Le choix le plus logique serait donc de toujours sélectionner Lightning, pour débloquer au plus vite une sortie, et partir. Sauf que toutes les 2 zones, vous vous retrouvez dans une zone « intermédiaire », où il faut vous cacher du Garbage Collector. Dans cette zone intermédiaire, il y a un certain nombre de shelters, dépendant du nombre que vous avez débloqué au cours des deux zones précédentes.
S’il n’y en a pas assez, ils seront détruits petit à petit pendant la « tempête », et vous finirez sans shelter, vous faisant détruire dans la foulée. Il est donc très important de « farmer » le plus possible les shelters avant de quitter une zone. La technique à appliquer est assez basique, choisir Lightning jusqu’à avoir débloqué un chemin, puis rester jusqu’à la fin du dernier round, à choisir Prayer à chaque fois, pour débloquer des shelters. Pas très compliqué.
On a donc une mécanique de jeu un peu plus poussée que ce qu’on retrouve généralement dans ce genre de jeux, malheureusement totalement flinguée par le gameplay. Dans les phases en vue isométrique, on se déplace avec les flèches, et on tape avec espace. Sauf que c’est rigide, mou, peu pratique, et très vite on peste face à cette maniabilité simpliste et bancale quand on est entouré d’ennemis. Dans les phases en 2D, on peut sauter avec la flèche vers le haut, et c’est à peu près tout, outre les touches classiques.
Entre deux zones, vous aurez généralement une sorte de mini cinématique, vous mettant face à une situation, et vous donnant un choix. Ce choix, lorsque vous perdrez, définira l’état d’esprit de Kye lors de sa mort, sa façon de voir les choses.
Et mourir, cela arrivera souvent, le jeu étant relativement corsé : vous avez peu de temps, et il faut farmer les abris le plus vite possible, sous peine d’être trop limite lors de la tempête, et de perdre. D’autant qu’au fil des rounds, une zone se dégrade, et des petits monstres y apparaissent, vous pourchassant.
Alors tout ça, c’est bien gentil, mais parlons maintenant des vrais problèmes de Continue?9876543210. C’est un jeu qui se veut condescendant, prétentieux et très artsy, une tendance qu’on retrouve beaucoup dans les jeux indépendants de nos jours, comme un Gone Home, un Antichamber ou un To The Moon. Sauf que Gone Home, malgré son gameplay totalement inexistant, racontait une vraie histoire.
Antichamber, malgré sa condescendance monstre, possédait des énigmes intelligentes et intéressantes. To The Moon, malgré son côté bien trop artsy et torturé, tentait réellement de dégager des émotions. Continue? n’a rien de tout ça.
Continue? s’enfonce dans son gameplay d’une indigence rare. En regardant un peu les autres jeux du développeur, on tombe sur un jeu flash, Quest for Skrillex, dont Continue?9876543210 est un copier/coller total, niveau gameplay. Sauf que Quest for Skrillex est gratuit, et Continue? coûte 9€. On a donc le droit à une copie conforme d’un jeu flash, sans amélioration aucune, pour neuf euros de plus, en changeant juste l’histoire.
Graphiquement, il y a une certaine patte graphique, mais difficile de la qualifier par autre chose que « moche ». Dans le genre « pixellisé 3D », on a eu droit à des Cube World ou autre 3D Dot Game Hero infiniment plus beaux, et intéressants. Continue? prend le parti-pris d’être juste laid, et pixellisé, sans rien apporter de plus. Même les éléments qui font référence au fonctionnement d’un ordinateur et de sa mémoire (tels que les monstres) auraient pu être travaillés différemment pour les rendre bien plus intéressants, graphiquement.
Ne lui reste donc que toute sa dimension scénaristique. Et si l’idée était là, utiliser la désallocation de la mémoire en informatique pour représenter le cycle d’une vie humaine, et le combat permanent contre la mort, elle est d’une maladroitesse et d’une complexité affligeante. Le jeu se perd dans les méandres tortueux de sa propre logique, avec des dialogues sans queue ni tête, donnant immédiatement une impression de condescendance du type « j’ai des dialogues auxquels tu ne comprends rien, je suis plus intelligent que toi, il y a un sens caché partout » détestable.
Et c’est dommage, car si le développeur n’avait pas donné une telle impression de prétention à Continue?, l’expérience – au moins scénaristique – aurait pu être très intéressante, et surtout très intelligente. Ajoutons à cela nombre d’autres soucis, comme une police d’écriture illisible, une lenteur phénoménale lors de toutes les cinématiques (et il y en a plein, et elles sont bien trop longues) que l’on ne peut, dans 90% des cas, pas passer, l’absence de réel menu pause, et donc d’options, de possibilité de quitter le jeu, etc.
Finalement, la seule chose qui rattrape Continue?9876543210, c’est sa bande son, vraiment très belle et intense, dont on a un aperçu dans le trailer du jeu. Mais malheureusement, ça ne fait pas tout.
40%, c’est une note un peu intermédiaire. En théorie, le jeu aurais du avoir moins, mais il reste malgré tout des gens qui ne sont pas rebutés par l’aspect artsy et condescendant des jeux du genre de Continue?9876543210, et à qui le jeu pourrait donc relativement plaire.
Malgré tout, dans l’ensemble, on est confrontés à un jeu plein de défauts : une maniabilité aux fraises, une esthétique infâme, un déroulement scénaristique incompréhensible, torturé et condescendant, des mécaniques bancales, et divers autres problèmes de taille, qu’on dirait issus d’un amateurisme total (pas de menu pause réel, donc pas d’options, même pas de boutons pour quitter le jeu ou pour régler les volumes, une police d’écriture illisible, etc).
La bande son, aussi bonne soit-elle, ne pourra jamais sauver tout ça. Continue?9876543210, en plus d’être un copier/coller d’un jeu flash gratuit, est l’exemple même du jeu indépendant artsy et diablement prétentieux qui pullule désormais sur Steam. A vous de voir si c’est ce que vous recherchez dans un jeu.
—–
Résumé
Les + | Les - |
---|---|
La bande son, l'originalité du thème traité | Le gameplay et les mécaniques de jeu bancales, la prétention de son écriture, son esthétique, la police d'écriture, l'absence de réel menu pause, son prix. |
Score du jeu : |
Sur le même thème :