Test : Bientôt l’été

Par Sassie , le 20 février 2013 à 23:48 | Test, Toutes les news |

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« Ceci n’est pas un jeu où l’on gagne. Jouez juste pour l’expérience. Promenez-vous, déambuler et contemplez. Il n’y a aucun but. Il n’y a aucune histoire. Laissez-vous porter par l’atmosphère. Ne pensez à rien. Ne soyez que vous-même. »

Cet avertissement au tout début fait passer un message clair : ceux qui se raccrochent à une vision traditionnelle du jeu vidéo se casseront vite les dents sur Bientôt l’été du studio belge Tales of Tales qui a tout de l’expérience d’art interactif numérique, à l’instar de ses précédentes productions (The Graveyard, The Path, Fatale…).

Dans un travelling, les planètes défilent dans l’espace, venant à notre rencontre tandis qu’un compteur au nombre démesurément gros semble indiquer la distance parcourue. Puis le titre du jeu vient se poser sous nos yeux, blanc sur fond noir, comme le titre d’un film.

La musique se fait atmosphérique, planante, très science-fiction. Il est alors temps de choisir l’avatar que l’on va incarner, de choisir son sexe (homme à gauche et femme à droite), de sélectionner le torse nu qui nous inspire le plus à travers la vitre d’une capsule cryogénique. On ne sait pas vraiment à quoi les avatars ressemblent, ce sont juste des êtres impersonnels, ce qui peut favoriser la projection et donc l’incarnation.

Puis l’on se retrouve sur la plage. Ou plutôt la simulation d’une plage, bercée par le bruit des vagues qui viennent caresser le sable et le bruit des mouettes. Notre personnage tout habillé de blanc paraît bien seul au milieu de l’écran saturé de blanc comme si au contraire l’été était bien loin, au milieu de tout ce vide. Il n’y a personne et pas grand chose dans l’environnement si ce n’est un bâtiment au loin, le café où se déroule la deuxième partie du jeu. La femme porte des lunettes de soleil, l’homme une sorte de capuche et chacun se retourne sans cesse pour éviter la caméra si bien qu’il n’est jamais vraiment possible de voir leurs visages de face.

Au bord de la mer des phrases apparaissent telles des réminescenses qu’il faudra récupérer. Le sable semble s’étendre à l’infini, mais très vite on se heurte à un mur et l’on n’est plus tout à fait seul. Comme condamné à ne pas pouvoir se rapprocher l’autre personnage nous suit de son côté, sa silhouette comme un reflet dans un miroir. L’illusion de la simulation se trouve brisée par les fils de fer qui envahissent l’espace et crient à l’environnement factice, un graphisme similaire à celui qui apparaît en fermant les yeux de notre avatar.

Dans le café, le joueur a la possibilité de se connecter avec un autre joueur s’il a de la chance, ou de jouer avec une intelligence artificielle, par dépit ou préférence. Pour jouer en privé avec un partenaire il suffit de lui communiquer un mot de passe. Bientôt l’été réitère le concept de la communication limitée avec un autre joueur que l’on retrouve dans Journey ou bien leur MMO The Endless Forest où chatter de façon directe était impossible et où le nom de son avatar de cerf n’était qu’un symbole. Le langage corporel et les sons étaient le seul moyen d’entrer en contact avec l’autre.
Des bruits de conversation étouffés nous parviennent. Une présence fantomatique prend place devant nous, son identité plus ou moins dissimulée par un échiquier qui occupe la majorité de l’espace. En bougeant une pièce, il est possible de prononcer une des phrases que l’on a récoltée plus tôt. Au joueur de composer avec ces options de dialogue prédéterminées qui s’afficheront à l’écran comme des répliques dans un film muet.

Les voix sont artificielles, les timbres monocordes comme dans la Nouvelle Vague et parfois une dissonance, comme une sorte de larsen se fait entendre, ce qui ajoute à l’étrangeté de l’expérience entre les inhalations de Gauloises ou le glouglou du vin que l’on boit.

Il est quand même assez drôle de jouer avec l’intelligence artificielle et de l’entendre nous balancer des phrases contradictoires ou tout simplement cruelles :

• « Je vous avais oublié. »
• « C’est vrai. Vous n’êtes rien. »
• “Je voudrais que vous soyez mort.”

Mais ces échanges qui peuvent paraître absurdes entre l’homme et la machine ne sont pas sans rappeler certains dialogues de sourds que l’on peut expérimenter avec de véritables personnes.
Parfois, au contraire, ils sont d’une cohérence surprenante :

• « Je ne sais pas. »
• « Menteur, menteur. »

Cette conversation un peu guindée évoque les inanités qu’il peut y avoir dans les rapports sociaux, les échanges sur le beau temps qu’il fait (“Le printemps est exceptionnellement beau.”/ “Il fait beau.”/”L’odeur des magnolias est si forte, si vous saviez.”), les petits riens que l’on ne peut s’empêcher d’utiliser comme lubrifiant social.

Il peut y avoir un aspect érotique dans la conversation, comme dans la relation du couple Chauvin-Anne Desbaresdes de Moderato Cantabile de Marguerite Duras, dont le studio s’est inspiré, qui est portée par les mots. Bientôt l’été nous permet tout de même de parler d’amour avec de parfaits inconnus. La proximité se fait donc plus verbale que physique.

Il est également possible de choisir des classiques de chanson d’amour française des années 60-70 pour le jukebox et d’accompagner ses paroles de façon plus ou moins subtile. L’amour fou, inconditionnel avec Et si tu n’existais pas ? ou bien la rupture avec Capri c’est fini ?

Le café change d’apparence extérieure à chaque sortie, devenant tour à tour plus grand ou plus luxueux. Ainsi il y a quand même un sentiment de progression, comme celui liée à la quête des apparitions qui sont au nombre de seize : un magnolia en fleurs, une grue portuaire, un champ de blé, un piano…

Bientôt l’été est une simulation. C’est celle de la vie avec sa mélancolie, sa tristesse empreinte de douceur. Celle des amours qui ne sont pas forcément toujours heureuses, celles des adieux qu’il faudra inéluctablement faire. C’est une expérience où ce sera à vous de combler les trous à la seule force de votre imagination. Qui êtes-vous ? Que vous est-il arrivé ? Peut-être la meilleure simulation du sentiment amoureux et du désir que j’ai jamais vue.