Cher voyageur, nous avons reçu votre message comme quoi votre navette avait été détruite. Cependant, votre mission reste inchangée. Explorez les ruines des trois civilisations perdues et notez vos découvertes.
Ainsi commence le superbe trailer d’Elegy for a Dead World publié il y a deux mois, lors de la campagne Kickstarter organisée par les développeurs de chez Dejobaan Games. Depuis la fin de cette campagne, le jeu a d’abord été distribué aux backers en version bêta puis rendu public sur Steam. Oui, oui, tout cela en deux petits mois de rien du tout. Comment est-ce possible ? Ce jeu est-il bâclé, raté, précipité, buggé ou pire ? Rien de tout cela rassurez-vous mais attention toutefois, nous avons ici affaire à un jeu complètement expérimental.
Les grandes lignes
Comme l’explique le narrateur du trailer – que nous ne retrouvons pas dans le jeu final d’ailleurs, c’est bien dommage – vous incarnez un spationaute voyageant vers de lointaines planètes et ayant pour objectif d’écrire l’histoire de ces peuples disparus. Ainsi, au-delà d’un simple archéologue, vous devrez inventer vous-même le passé par la force de votre prose. C’est là toute l’originalité d’Elegy, qui n’a pour le coup rien à voir avec un jeu d’aventure standard puisque le seul élément de gameplay tangible du jeu sera l’écriture pure et dure. Comprenons-nous bien : en vérité, il n’existe pas de scénario pour Elegy. Le trailer semblait en ébaucher un mais il s’agissait seulement d’une version possible. Pour le reste, ça sera à nous autres, joueurs, d’en inventer d’autres.
Pour raconter il faut écrire
Si la narration dans le jeu vidéo a su revêtir de nombreuses formes au cours du temps, il en est une en revanche qui n’a été que très rarement exploitée : celle qui fait directement appel à l’imagination du joueur. Et pourtant, que l’on soit écrivain ou non, nous avons tous la capacité d’imaginer, de nous inventer des histoires ou des situations. C’est sur ce principe que repose Elegy : notre force de création.
Pour ce faire, nous disposons de trois mondes baptisés selon trois des plus célèbres poètes britanniques : Shelley, Keats et Byron. Chaque découverte, que ce soit une statue, un livre ou un bâtiment, sera l’occasion pour vous d’en inventer la signification. Plus vous avancerez et plus vos notes seront riches et détaillées. À la fin de votre périple, vous détiendrez alors une histoire qui n’appartiendra qu’à vous, une histoire qu’il sera ensuite possible de partager aux autres joueurs.
L’écriture pour tous
Une question qu’il est utile d’évoquer au sujet d’Elegy for a Dead World : est-il seulement réservé à ceux et celles qui ont l’habitude de coucher leur prose sur papier ou peut-il s’adresser à un plus large public ? Selon moi, il y a deux manières d’aborder ce jeu atypique. Personnellement, étant déjà versé dans l’art de raconter des histoires, je me suis permis de retirer les jalons qui guide le joueur pour avancer librement et d’écrire ce que bon me semble là où je le veux. Mais une autre option existe, celle d’activer les « writing prompts », qui littéralement, pourrait être traduit par « souffleurs d’écriture ». Ainsi, à la manière du souffleur d’un théâtre, ces prompts sont là pour prendre la main du joueur, lui donner des pistes sur quoi écrire et à quel endroit. Je suis alors persuadé que quiconque sachant taper sur un clavier sera capable d’écrire, sachant que l’essentiel ici n’est pas d’en faire une merveilleuse histoire publiable chez un éditeur mais de goûter à cette merveilleuse discipline qu’est l’écriture. L’ambition d’Elegy est claire : tout le monde peut écrire. Un problème à l’heure actuelle cependant : seul l’anglais est disponible, ce qui fait que si vous ne pouvez ou ne voulez pas écrire dans cette langue, il ne vous reste comme seul choix que de jouer sans les prompts.
Partagez vos histoires
Après avoir exploré le monde et écrit votre texte, il est possible de le relire plus tard sous un format somme toute classique, paginé et agrémenté de quelques illustrations. Par ailleurs, si vous êtes d’humeur, vous pourrez partager votre prose aux autres joueurs et lire la leur via une interface pour le moment très rudimentaire mais fonctionnelle. Cet aspect est selon moi un point crucial d’Elegy. Si vous écrivez, vous savez combien il peut être intimidant de faire lire ses textes à ses proches. Ici, vous pourrez soumettre vos créations à des centaines de lectures de manière anonyme – seul votre pseudo Steam apparaîtra. J’imagine très bien les possibilités qui pourraient être ajoutées, comme un système de notation, de commentaires et de suggestions de corrections.
Une nouvelle manière d’écrire
Pour être tout à fait honnête, bien que je sois très fan du concept d’Elegy for a Dead World, je pense que l’équipe de Dejobaan Games n’a fait qu’effleurer les possibilités de leur titre. Tout d’abord, les trois mondes disponibles ne sont pas générés aléatoirement ce qui fait qu’au bout de quelques visites, l’exploration laisse place à une routine qui, bien qu’elle puisse être utile pour écrire, n’est pas vraiment stimulante sur le long terme. De plus, la possibilité de lire les histoires d’autres joueurs est une excellente idée mais les échanges directs sont impossibles sans passer par le workshop de Steam, qui permettra alors de laisser un commentaire à l’auteur. D’où le caractère rudimentaire de l’interface.
Au final, Elegy for a Dead World n’est pas un jeu au sens classique du terme. De par sa vocation éducationnelle – Dejobaan propose de remettre 1000 clés à l’enseignement – et son gameplay si particulier, il s’agit là d’un croisement entre jeu vidéo et serious game, ces logiciels pédagogiques et ludiques. Ainsi, bien que n’importe qui puisse s’essayer à Elegy, sachez simplement où vous mettez les pieds ou plutôt les mains car il ne conviendra pas à tous, loin de là. Mais si comme moi, écrire une histoire d’une manière tout à fait originale et inédite vous intrigue, foncez !
Le concept est vraiment super! C’est marrant, ça place le jeu en tant que contre-pied exact de la lecture. Si celle-ci te propose d’imaginer ton propre univers visuel sur une histoire déjà faite il s’agit là de l’exact opposé, tu crées ton récit à partir d’un monde qui visuellement existe déjà. C’est chouette
Je l’ai pas encore essayé mais c’est vrai que les problèmes d’interface que tu évoques sont dommage, avec un peu de chances ce sera corrigé d’ici quelques temps