Test : Proteus
“Je suis un artiste, je suis un artiste !” criait le petit Proteus, seul dans sa chambre. “Mais si, je suis un artiste je vous dis, je suis une oeuvre d’art, un voyage contemplatif, un…” s’évertue-t-il, regardant son petit nombril, tentant de comprendre ce qu’il a fait de mal, là où il s’est planté. Parce que oui, quelque part dans sa conception, dans son développement, dans son passage de prototype à… prototype, il y a eu un problème.
Proteus, c’est un peu le stéréotype du jeu qui se veut artistique. Peu connu, quasiment aucune publicité, son auteur se fait plutôt discret – ce qui n’est pas forcément un mauvais signe. Pourtant, il y a un concept, une idée, quelque chose de très intéressant, qui a de quoi attirer. Un jeu en vue a la première personne aux graphismes très stylisés, proposant un voyage onirique et pacifiste dans un monde inconnu et merveilleux ? Ça vend du rêve, du moins à certains, mais ça pose aussi un problème : comment juger, de façon objectif, un jeu pareil ? La réponse est bien simple : on ne peut pas.
Alors certes, d’aucuns s’exclameront haut et fort qu’un test se doit d’être objectif, qu’il faut rester froid et neutre, et ne considérer que les faits. Si cette remarque est bien vraie dans de nombreux cas, juger un jeu est un peu plus complexe que simplement énumérer ses défauts et ses qualités, puis d’appliquer une formule mathématique pour en tirer une note. Car en effet, jouer à un jeu, puis le juger, c’est avant tout le vivre. Certains jeux nous laisseront plutôt froid et peu immergé, et là, l’objectivité prendra le dessus. Mais d’autres, plus intelligents, plus subtils, plus créatifs, plus osés, et se rapprochant finalement plus de l’art que les autres, nous proposent une expérience bien différente, et on ne peut plus se reposer sur la seule objectivité.
C’est là ce qu’essaie de faire Proteus. Il nous propose un univers aux dimensions inconnues et très certainement illimitées, car généré procéduralement, qui ne demande qu’à être exploré. Pour cela, vous pouvez vous déplacer à pied, et… C’est tout. Vous êtes en vue à la première personne, et vous vous baladez au milieu de ce monde, proche d’un jeu de type Minecraft de par sa division en sortes de biomes, et vous découvrez. Mais vous découvrez quoi, au juste ?
Eh bien vous découvrez le monde visuel et auditif créé par Ed Key et David Kanaga. Et vous le faites sans violence, car à part marcher, vous ne pouvez rien faire, sauf vous asseoir, et il n’y a pas d’ennemis. Sur le moment, le concept est plaisant. Graphiquement, s’il est techniquement bien léger, le jeu reste artistiquement fort, avec une esthétique toute particulière, et la bande son est, elle, bien plus intéressante, plus ou moins interactive avec le joueur, et avec l’environnement.
Mais trêve d’objectivité, et passons au ressenti. Parce qu’en effet, à ce stade Proteus n’est plus un jeu. Il n’y a pas d’aspect ludique, mais une exploration et une découverte qui, si elles sont bien faites, peuvent être tout à fait plaisantes (n’est ce pas, The Path ?). Mais là, non, pas vraiment.
Le gameplay est lent, et c’est peut être là le problème principal du jeu, quand on y pense. On se déplace lentement, et dans un jeu axé sur l’exploration, c’est un problème. Ça pourrait ne pas en être un s’il y avait un sens à la lenteur, tel qu’une immersion totale (par le biais d’une respiration, de bruits de pas, etc), mais non, là, on se traîne juste. Et comme on ne peut rien faire d’autre que marcher, on s’ennuie en marchant. On regarde autour, c’est mignon, parfois bucolique, parfois onirique pour peu que l’on fasse un peu marcher l’imagination, mais après cinq, dix minutes, on s’ennuie.
Pourtant, le jeu regorge de secrets, d’animaux, de créatures, de lieux uniques et incongrus, que l’on ne découvrira pas tout de suite, et si le gameplay servait mieux cette découverte, on aurait affaire à un très bon jeu.
Graphiquement, on l’a dit, il y a un style manifeste. Mais qui dit style, ne dit pas forcément positif. Reconnaissons le, tout ceci est sujet à la subjectivité et aux goûts seuls du joueur, et chacun appréciera différemment cette patte artistique, mais peut être ne colle-t-elle pas forcément à ce concept en particulier. L’esthétique agresse un peu la rétine, avec des aplats de couleurs puissants, et des bords taillés à la serpe, un visuel qui, à la longue, peut fatiguer très vite les yeux, et faire perdre toute sa beauté à ce qui entoure le joueur.
On en vient à regretter que le style graphique n’ait pas été totalement différent, et ne se soit pas plutôt axé sur du réalisme. Pour un jeu qui se veut immersif (du moins qui semble se vouloir tel, par la possibilité par exemple de s’asseoir en appuyant sur espace pour regarder les panoramas), des graphismes plus fouillés techniquement (on pense à Flower, qui proposait des environnements sublimes, ou même à Blockscape) auraient été parfaits, et auraient peut être fait oublier le gameplay.
Mais enfin, tout ceci n’aurait été que critiques abusives pour un jeu commercialisé à 3-4 euros. Mais ce n’est pas le cas, et Proteus est proposé à 10€ sur Steam. 10€, pour un prototype qui n’a pas su s’affranchir de cette appellation, et se transformer en jeu ? Difficile à avaler.
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Bref, inutile d’aller plus loin, il est temps de conclure. En l’état, Proteus est un prototype. Ce n’est pas un jeu en tant que tel, ni une véritable pépite artistique. C’est un prototype qui nous montre qu’il a tout pour plaire, qu’il est original, et se démarque de ses petits copains, mais qui nous laisse tomber avant le grand final, car il n’est pas à la hauteur. Nul doute que certains accrocheront totalement, et si c’est votre cas et que vous êtes toujours intéressé(e) même après la lecture de cet article, alors soutenez les développeurs et procurez vous le jeu, mais d’autres seront rebuté par un gameplay trop lent desservant une exploration qui devient poussive et vite ennuyeuse, ainsi que par le prix associé à ce prototype, un peu trop élevé, et c’est malheureusement notre cas. Alors un seul conseil : regardez quelques vidéos, quelques images, et faites vous votre propre avis sur est-ce que oui ou non le jeu vous intéresse toujours. Si tous ces défauts ne vous rebutent pas, alors la note finale mérite bien +20. Sinon, le jeu ne mérite pas plus.
Résumé
Les + | Les - |
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Une esthétique particulière, une bande son au poil, un concept en apparence très original | Un gameplay trop lent, donc une exploration devenue poussive, des graphismes qui en heurteront plus d’un, un intérêt finalement vite limité |
Score du jeu : |
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Je ne suis pas du tout d’accord avec ce test j’ai vu que dans une vidéo que l’on pouvait courir à moins que Faust ne l’ai pas testé et c’est basé sur le trailer du jeu.En tout cas moi qui ne possède pas ce jeu je trouve qu’il mérite mieux au niveau note.
A moins que je sois passé à côté d’un pan du gameplay, on ne peut courir. En revanche, lorsque l’on se déplace dans une pente, le mouvement du personnage accélère, et tant que l’on ne s’arrête pas, on est cappé à cette vitesse. C’est une sorte de course, mais très situationnelle, donc je ne la considère pas comme telle.
Comme tu le dis, tu ne possède pas le jeu. S’il t’intéresse, je te le recommande vivement, car comme j’ai précisé, si on n’est pas gêné par ses défauts, ma note mérite un +20, donc remonte à 85%, ce qui est excellent. Toutefois, je préfère être franc, personnellement je lui mettrait 50% ne serait-ce que pour le moteur du jeu. C’est hautement subjectif, donc à chacun de se faire son idée.
En tout cas, si ça peut te rassurer, je l’ai testé, et n’ai porté aucune attention au trailer ou a d’autres vidéos.
J’ajouterai qu’on peut dans ce jeu avoir l’impression de courir d’une autre manière !
En effet, la touche shift (qui n’est pas mentionné dans les commandes du jeu) permet de… se déplacer moins vite.
Donc si on joue avec la touche shift enfoncée on a ensuite l’impression d’aller super vite .
C’est sûrement aussi une question de conception de l’espace. Tu as beau courir très vite, si tu le fais sur la longueur de 100 terrains de foot mis bout à bout tu auras l’impression d’être très lent. Je n’ai pas testé le jeu, mais d’après ce que l’on peut en voir, les environnements ont l’air trèèèèès vastes, d’où peut être une impression de lenteur (même en courant)