Interview : Phosfiend Systems – FRACT OSC
Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec les développeurs de Phosfiend Systems au sujet de leur premier jeu FRACT OSC, sorti le 22 avril 2014. Voici donc la retranscription de cet échange très intéressant.
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Interview : Phosfiend Systems – FRACT OSC
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Game Sphere : Bonjour, tout d’abord c’est un réel plaisir de vous avoir avec nous sur Game Sphere. Mais avant de parler de FRACT OSC, pourriez-vous vous présenter ?
QN : Salut ! Je m’appelle Quynn Nguyen et fais partie de l’équipe de développement de FRACT OSC. Je m’occupe de la production et du design. J’ai également co-fondé Phosfiend Systems avec mon mari Richard Flanagan, et nous travaillons de pair avec Henk Boom.
RF : Je suis donc Richard Flanagan – Je m’occupe de tout ce qui est design, art, modélisation, sons, etc… Je suis également celui qui a conçu le premier prototype du jeu.
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Game Sphere : Maintenant, pour nos lecteurs qui ne connaîtraient pas encore votre jeu, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est FRACT OSC ?
QN : FRACT est un jeu d’exploration musicale en monde ouvert pour Windows et Mac qui vous permet de partir à la découverte d’un univers oublié, tout en proposant une esthétique marquante et des sons en constante évolution.
Au fur et à mesure que vous résolvez des puzzles pour aider à reconstruire cette machinerie oubliée, vous manipulez des sons et créez de la musique, laissant votre empreinte dans ce monde que vous ramenez peu à peu à la vie. C’est un jeu à la première personne qui combine exploration, musique et puzzles afin de proposer une expérience unique.
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Game Sphere : Il y a un moment, lorsque j’ai découvert pour la première fois le jeu, il y avait une démo disponible en téléchargement. Je pense que cela date de la première fois que je suis entré en contact avec vous, il y a plus d’un an. Corrigez moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que FRACT OSC n’est pas du tout le même jeu que celui de la démo. Est ce que FRACT OSC – aujourd’hui – est très différent de ce que vous aviez en tête au début du développement ?
QN : C’est tout à fait vrai ! Le prototype d’origine (qui était un prototype plus qu’une démo) a été conçu il y a plus de trois ans. FRACT OSC est un nouveau jeu à part entière – même s’il reprend certaines bases du prototype – que nous avons dû reconstruire depuis le début (plusieurs fois à vrai dire) avant qu’il ne soit ce qu’il est aujourd’hui.
Cela dit, c’est une prolongation des idées que nous avions déjà commencées à explorer dans le prototype, mais à un niveau complètement différent.
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Game Sphere : Y a t-il une raison particulière qui vous ait poussé à faire un jeu basé sur la création de musique ? Comment cette idée vous est-elle venue ? Je dis cela parce que c’est un concept peu commun et plutôt intéressant.
RF : L’inspiration de concevoir un jeu ayant pour thème la création de musique vient d’expériences vécues à la fin de mon adolescence et dans la vingtaine, avec la découverte de la musique électronique et de certains outils comme Rebirth et des premiers trackers. A l’époque c’étaient des outils relativement accessibles qui permettaient à n’importe qui - ayant l’envie ou la patience – de créer sa propre musique.
C’est comme cela que j’ai commencé à composer de la musique électronique (pas de très bonne qualité, je l’admets) et j’ai absolument adoré. De nos jours, les outils sont encore plus accessibles. Mais j’espérais explorer la chose dans un contexte différent et présenter l’idée de composer de la musique comme un jeu à un public inédit.
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Game Sphere : Puisque votre jeu est un mélange d’exploration, de puzzle-game et de musique, je me suis demandé quelles avaient été vos sources d’inspiration lors de la conception du jeu, tant esthétiques qu’en termes de gameplay, level design, musique, etc …
RF : Comme je l’ai déjà mentionné, la musique électronique et les outils permettant de composer ont été une énorme influence, en particulier les synthétiseurs. Les synthé sont le cœur et l’âme du jeu, vu que vous vous baladerez essentiellement dans un synthétiseur géant.
Il y a également beaucoup d’autres sources d’inspiration comme la culture analogique, les débuts de la réalité augmentée, des films comme TRON et des jeux comme Myst et Rez. Et bien entendu pour ce qui est des influences musicales : les artistes de Warp Records comme Boards of Canada, Autechre, etc…
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Game Sphere : Maintenant, abordons un peu le contenu du jeu. Dans une de vos dernières vidéos, vous dites que le joueur devra comprendre de lui même que faire et où aller. Comme ça, je pense tout de suite à un monde ouvert. Pourriez-vous nous en dire plus sur l’univers de FRACT, comment ce dernier est construit et ce que vous aviez en tête lorsque vous l’avez conçu ?
QN : Le monde est gigantesque. Et oui, c’est un monde ouvert. Cela s’est avéré être un véritable challenge en termes techniques et de design. Je ne sais pas si nous l’imaginions si grand, mais plus on avançait, plus il devenait vaste. Ce qui est pratique, c’est que tout dans le jeu est connecté, donc ça aide à avoir un ensemble unifié.
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Game Sphere : Question piège : qu’est ce qui a le plus influencé la façon dont le jeu est conçu ? Est-ce le type de musique que vous souhaitiez intégrer au jeu qui a modelé l’environnement, ou est-ce l’inverse ?
QN : Je pense que l’aspect technique a été la plus grosse influence en matière de design. Au début, nous voulions explorer l’idée d’être capable de synthétiser de la musique dynamiquement en jeu, en temps réel, ce qui n’a jamais vraiment été fait. Étant donné que la conception de musique est au cœur du jeu, nous pensions qu’il était important de donner au joueur un contrôle direct sur les synthétiseurs et les sons dans le jeu.
C’était un gros challenge d’un point de vue technique – que Henk a relevé de manière impressionnante – mais aussi un processus qui a évolué de manière très itérative entre design et technique. Tous les puzzles sont plongés dans la technique audio – les joueurs manipulent des paramètres mécaniques et audio simultanément. Donc ce que nous pouvions faire, en matière de puzzle, était fondé sur les outils que nous avions en main, qui à leur tour influençaient les nouveaux outils que nous créions, et ainsi de suite …
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Game Sphere : Puisque les joueurs seront capables de créer leurs propres morceaux dans le jeu, leur sera t-il possible de les exporter facilement pour les partager ?
QN : Oui ! Nous sommes vraiment excités d’annoncer que les joueurs pourront enregistrer et exporter leurs morceaux, afin de les uploader directement sur YouTube depuis le jeu ! Nous sommes très impatients de voir ce que les gens créeront avec FRACT.
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Game Sphere : Quelles parties du développement de FRACT OSC furent les plus difficiles à gérer ?
QN : C’est une question difficile ! Eh bien, ce fut un challenge de n’être qu’une petite équipe (de trois personnes) concevant un jeu de taille conséquente, notre premier jeu en plus. Je pense qu’il y a toujours une courbe difficile de progression dans ce domaine là, et pour ne rien faciliter nous avons eu a gérer des événements de la vie réelle comme notamment la naissance de notre premier enfant – Zoe – en plein développement.
Le fait que notre jeu ait tant évolué dans le temps – aspects techniques et design – explique je pense le fait que nous ne savions jamais quand nous en aurions terminé avec ce projet, ce qui était plutôt difficile. Le chemin fut long pour en arriver là, trois ans durant. Trois ans de travail acharné, avec très peu de vacances ou de pauses. Et nous nous sommes mis beaucoup de pression nous même. Nous pensons que nous avons beaucoup à prouver, beaucoup de choses sont en jeu. Pas seulement le temps et l’argent que nous avons investis dans le jeu, mais aussi notre réputation. Donc ça a été plutôt difficile.
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Game Sphere : Vous avez été greenlité en juin 2013, puis nous avons appris que vous étiez financé par l’Indie Fund début juillet. C’est très bien ! Qu’est ce que vous en pensez ?
QN : Nous nous estimons chanceux d’avoir eu le soutien de l’Indie Fund, pas seulement financièrement mais aussi au niveau de l’expérience, conseils et feedback qu’ils nous ont apportés. Ils ont été supers.
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Game Sphere : Comment tout cela s’est-il produit ? Avez-vous contacté les responsables de l’Indie Fund ou cela a t-il été le contraire ?
QN : Un peu des deux, nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec certains d’entre eux à la GDC 2013, et tout s’est gentiment goupillé après cela.
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Game Sphere : Je me demandais, FRACT OSC est bien votre tout premier jeu en tant que Phosfiend Systems c’est bien ça ? Avez-vous déjà travaillé dans l’industrie du jeu vidéo avant de monter votre propre studio indépendant ?
QN : C’est notre tout premier jeu, même si Richard a un peu d’expérience en sound design chez Eidos. Il me semble qu’aucun de nous a jamais travaillé de manière significative dans l’industrie du jeu vidéo avant de bosser sur FRACT. Henk a conçu plusieurs jeux de son côté et était très actif dans la communauté indépendante. Quant à Richard et moi, nous venons d’autres industries du design, mais pas de celle du jeu vidéo à proprement parler.
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Game Sphere : Que pouvez-vous nous dire sur cette expérience en tant que studio indépendant ? Nous savons que de nombreux domaines de compétences sont requis dans le développement et la mise en vente d’un jeu, nous voulions donc savoir comment cela s’était passé pour vous.
QN : Cela a été une expérience géniale et horrible à la fois, je pense. Géniale parce vous devez faire tant de choses, vous débrouiller seul pour tout, que vous finissez par savoir faire un peu de tout, ce qui est je pense nécessaire quand on est indépendant. Mais aussi horrible parce qu’à la moindre erreur, vous payez de votre poche, ce qui peut être encore plus douloureux.
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Game Sphere : De la part de nos lecteurs et de toute l’équipe Game-Sphere.fr, je vous remercie beaucoup d’avoir accepté de faire cet entretien avec nous et vous souhaite bonne chance pour la suite.
QN : Merci !
Quelques liens pour aller plus loin :
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