«Bon retour parmi nous, Sergent Burden, heureux que vous soyez revenu en un seul morceau ! Votre mission dans la galaxie Ludum Dare fut un sacré succès, mais il est temps de se remettre au travail ! Ceci sera votre mission la plus difficile à ce jour, votre équipe devra faire face à bien des dangers et des situations épineuses. Des choix difficiles vous attendent. Mais nous savons que c’est votre spécialité. Cette fois, il ne s’agit plus seulement de survie, vous aurez à affronter vos propres démons, vos démons intérieurs. Il n’y aura ni bonnes, ni mauvaises décisions, juste des décisions avec lesquelles vous devrez vivre. Une fois encore, il n’y pas de retour possible. Vous apprendrez beaucoup à propos de nous tous, des dangers de l’univers, et qui sait, peut-être que vous en apprendrez plus à propos de ceux qui nous regardent tous…»
C’était ainsi que les développeurs de chez Deconstructeam nous parlaient de Gods will be watching lors du trailer qui accompagnait le lancement de sa campagne Indiegogo en juillet 2013. Apparu pour la première fois dans une version prototype lors du Ludum Dare 26, le jeu rencontra un vif succès, ce qui poussa les développeurs à en faire un soft complet. Un an et une campagne de crowdfunding plus tard, nous arrive cette version complète de Gods will be watching.
Le pitch résumé
Le jeu se présente comme un point & click typé rétro aux graphismes 8-bit dignes de l’âge d’or du studio Lucas Arts (Monkey island, Day of the tentacle…). Il se démarque cependant par son background très travaillé, sur fond de conflit politique interplanétaire où se mêlent génocide et épidémie. Pour bien en saisir la portée, je vous propose un petit récapitulatif des forces en présence :
- La fédération constellationniste, sorte d’empire dictatorial pro-humain, réduisant en esclavage toutes les races d’extraterrestres.
- Xenolifer, une faction révolutionnaire aux méthodes extrêmes se battant pour la libération des esclaves extraterrestres.
- Enfin l’Everdusk Company (ECUK), un groupement militaire aux méthodes plus conventionnelles tentant de rétablir la paix entre les peuples.
Vous, vous êtes le sergent Burden, (sorte de Commandant Shepard version 8-bit : légende vivante de l’espace au sens du devoir exacerbé prêt à sauver à peu près tout le monde au péril de sa propre vie). Après avoir fait vos armes en travaillant pour à peu près toutes les nations de la galaxie, c’est naturellement avec Everdusk que vous avez choisi de finir votre carrière.
L’histoire débute alors que Xenolifer détourne un vaisseau-laboratoire pour mettre la main sur un virus ultra-dangereux capable de décimer des peuples à la pelle…
Point & click es-tu là ?
Une fois lancé dans l’aventure, on comprendra vite que le jeu n’a pas grand-chose d’un point & click classique, et si la forme y ressemble le fond en est complètement différent. En effet, le soft se décompose en six chapitres représentant chacun une situation délicate dans laquelle votre objectif est simple : survivre.
Gérer une prise d’otage et survivre à 20 jours de torture sont deux des frivolités concoctées par les développeurs. Chaque situation se présente alors sous la forme d’un unique tableau, parcourable de gauche à droite sur un plan 2D comprenant les différents personnages et objets du décor avec lesquels vous pourrez interagir pour faire progresser l’histoire.
Deux sortes d’actions sont ainsi disponibles, différenciées par deux couleurs :
- les actions surlignées en vert seront dites « gratuites » (traduction un tantinet hasardeuse du terme free), cela veut dire qu’elles ne feront pas progresser l’action, le plus souvent il s’agira de dialoguer avec un personnage pour obtenir des informations sur le background ou sur votre rôle dans la mission en cours;
- les actions surlignées en rouge, par contre, sont celles dont vous aurez à assumer les conséquences. En ce sens, elles sont primordiales pour le déroulement de chaque chapitre. Choisir que répondre à votre bourreau, assigner un membre de votre équipe à une tâche, choisir de calmer, de consoler, de réprimander, de frapper, ou de tuer un personnage, les choix sont aussi variés que douloureux à faire.
Toutes les actions du jeu passent alors par ces choix, et le joueur se retrouve bien souvent le nez plongé dans les menu déroulants. En ce sens le jeu se rapprocherait au final plus d’un jeu d’aventure textuel que d’un véritable point & click.
Une narration en béton
Heureusement, l’écriture des textes est d’une qualité surprenante, malgré une localisation française globalement assez approximative et quelques erreurs d’inattention plutôt grotesques : « clic doit (sic) pour rééssayer», les dialogues sonnent juste, les répliques fusent, qu’elles soient drôles, dérangeantes, tristes ou violentes. En exemple, les anecdotes d’un bourreau chargé de vous torturer sont malsaines à souhait et instaurent une ambiance des plus délectables.
Toutefois, dans ce cas comme dans d’autres, les lignes de dialogues peuvent être amenées à se répéter lorsque qu’une même situation se répète. Légèrement plus dérangeant, elles ne s’adaptent pas toujours à la situation présente (le bourreau en question plus haut continuera d’utiliser le pluriel pour vous parler même si votre compagnon de cellule est mort).
Malgré tout, les textes assurent quasiment à eux seuls la réussite d’un scénario tout en puzzle, qui sans être transcendant, se laisse reconstruire avec plaisir et profite d’un background solide et de quelques moments de bravoure à la portée philosophique plutôt touchante.
Beaucoup de choix, peu de conséquences
Malheureusement, s’il est réellement plaisant de voir les conséquences directes de ses actes prendre forme lors des missions, il est assez frustrant de voir qu’aucun de ces choix n’a de répercussions sur les chapitres suivants. En effet, quelles que soit les combinaisons d’actions que vous avez choisi de faire durant un chapitre, le suivant sera toujours le même.
Plus fort encore, si un membre de votre équipe passe l’arme à gauche durant l’exercice de ses fonctions, que sa famille soit rassurée, il réapparaîtra comme par magie dans le chapitre suivant ! En gros : ce qui se passe dans un chapitre, reste dans ce chapitre. Et même si Deconstructeam a pensé à justifier ce choix dans le scénario, difficile de ne pas être dérouté lors d’une partie.
Tu aimes être punis ? T’es au bon endroit !
Mais pour constater cela, encore faut-il réussir à atteindre la fin de chaque chapitre, car qu’on se le dise, Gods will be watching ne pardonne aucune erreur. En mode “original” chaque clic gauche devra être mesuré sous peine d’arriver très rapidement et très souvent à un écran de Game Over qui implique de devoir recommencer le chapitre du début, et ce, même à la toute fin de celui-ci.
Pour les joueurs à bout de nerfs, les développeurs ont prévu un mode facile, légèrement plus permissif, qui permet de suivre l’aventure plus sereinement. On regrettera toutefois que même dans ce mode facile, la progression du jeu peut être parfois perçue plus comme une “bonne combinaison d’actions” à trouver que comme des choix que le joueur aurait délibérément envie de faire.
Dans les faits, le joueur n’est pas complètement libre de faire les choix qu’il désire et d’en assumer les conséquences, puisque bien souvent, des choix quelque peu déviants le conduiront à l’échec du chapitre.
En mode facile comptez une bonne heure pour parvenir à terminer un chapitre (je fais le calcul pour vous ou ça va aller ?), au moins 2 essais sont nécessaires, il est très rare, voire impossible de terminer un chapitre du premier coup.
En mode original ce sont des dizaines et des dizaines d’essais qui seront nécessaires, le temps de jeu s’en trouve décuplé, mais il faut en avoir l’étoffe. Si l’on rajoute le contenu déblocable en terminant les missions selon certain critères, on obtient une durée de vie assez honorable pour un jeu vendu à 8,99€.
Gods will be watching – Trailer de lancement
Beau, mais radin
Enfin, le jeu n’a pas d’austère que le fond, puisque l’enrobage n’est pas non plus des plus chatoyants. Comme dit plus haut, visuellement, le jeu se pare de graphisme 8-bit plutôt jolis qui plairont sans doute aux nostalgiques de l’ère Lucas Arts. Et même si les environnements sont plutôt travaillés et fourmillent de détails (ce robinet qui goutte dans le chapitre 2…!), ils sont très limités en nombre, environ un décor par chapitre, le calcul est vite fait.
Musicalement, on doit faire face au même problème. Si les morceaux sont de qualité et aident grandement à poser l’ambiance, ils tournent très vite en boucle (un unique morceau de 4/5 minutes par chapitre). Et même si le fait de pouvoir débloquer une version alternative de chaque musique est sympathique, cela ne suffit pas à casser la monotonie sonore qui s’installe au fil des parties.
Gods will be watching est une expérience troublante, faisant passer le joueur par beaucoup d’états d’esprit différents. Fort d’une mise en scène solide et cohérente, et d’un scénario porté par des textes réellement bien écrits, le jeu souffre pourtant parfois du parti pris extrême de ses géniteurs qui ont voulu créer une aventure éprouvante aussi bien physiquement que moralement. Malheureusement, certains de leurs choix sont difficiles à accepter et on déplore donc un gameplay limité, même dans son principal argument : les choix. Le jeu possède néanmoins un petit quelque chose qui pousse à continuer, pour en apprendre plus sur son univers fascinant, et quelque part aussi, sur le nôtre, et ceux qui nous regardent tous…
Review
Pros | Cons |
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Univers fascinant, narration travaillée, scénario vecteur de questionnement existentiel, ambiance graphique et sonore soignée | Gameplay presque archaïque, vrai fausse liberté d'action, drôle de rapport choix/conséquences, peu de décors et de musiques, localisation un poil hasardeuse, absence de sauvegarde au sein d'un chapitre |
Rating |
Cool, cool, cool.