Test : Banished
La différence entre complexité et profondeur a longtemps été discutée dans le milieu du jeu vidéo, et le consensus général est d’éviter le plus possible la complexité, et de lui préférer la profondeur. Si la différence n’est pas immédiate, en particulier aux yeux d’un néophyte, elle est pourtant extrêmement importante. Banished donne, dans ce domaine, une leçon qui marquera, à coup sur, au fer rouge de nombreux développeurs.
Première partie de Banished. Je me lance, comme dans tout jeu de gestion, d’abord dans le tutoriel, avant d’attaquer une partie en mode Hard - on est un vrai ou on ne l’est pas -. Enhardi par ma compréhension du tutoriel et des quelques vidéos que j’ai regardé du jeu avant de le lancer, je paramètre tout de suite mon interface, et me lance, guilleret. Un an après, tout mon village décède de famine, après que deux familles aient égoïstement stacké toute la nourriture chez elles. Ok.
Deuxième partie, apprenant de mes erreurs, je mets tous mes habitants dans une même grande maison. Plus facile à chauffer, et plus de problèmes de « food hording », comme disent les américains, je suis bien parti pour péter tous les records. Deux ans plus tard, mon village est décimé par le froid – ou plutôt par mon manque d’attention -, manquant cruellement de bois de chauffage. Dommage, le bâtiment était quasiment construit.
Troisième partie, cette fois-ci c’est la bonne. Je me lance, gardant en tête toutes mes erreurs précédentes. Après quelques heures de jeu, j’ai réussi à construire la plupart des bâtiments que je voulais, ça se passe bien. Oh, mes réserves de nourriture sont basses ? Un an après une guerre sans merci contre la famine, après un baby-boom inattendu, tout mon village décède de famine. Apparemment, les outils sont plus utiles que je ne pensais, doublant la production.
Voici donc le résumé des premières parties de Banished. La première conclusion venant immédiatement à l’esprit : on se croirait dans un Dark Souls des jeux de gestion. C’est cocasse, dit comme ça, mais ça résume parfaitement le jeu : très difficile, la moindre erreur ne pardonne pas, et pourtant très éducateur et gratifiant quand on comprend les choses.
Banished est la forme la plus pure et la plus simple du jeu de gestion, mêlant légèrement Dwarf Fortress au mix. Vous avez sous votre contrôle une petite colonie d’environ 10 bannis. Ils ont été virés de leur ancienne ville, et veulent fonder la leur. En fonction du mode de difficulté choisi, vous avez au choix un gros hangar plus ou moins rempli de ressources, ou un petit chariot (bonjour Dwarf Fortress) avec 2-3 ressources qui ne vous feront même pas passer un hiver.
A partir de là, c’est à vous de gérer leur survie. Car oui, dans Banished, c’est plus du city-building, c’est de la survie pure et simple. Et pourtant, il n’y a pas de combat, pas de créatures hostiles. Juste des catastrophes naturelles, des maladies, la famine, le froid, le climat, etc. Et ça suffit amplement.
Comme dans un Dwarf Fortress, vous ne contrôlez pas vos habitants directement. Vous posez des blueprints de construction, et assignez des rôles, le reste se fait tout seul. Le Laborer est le métier de base, qui fait collecter les ressources que vous voulez « supprimer » de la map, et les transporter de stockpiles en stockpiles. Le Builder s’occupe de la construction et de l’acheminement des ressources aux sites. Tous les autres métiers sont spécialisés, et lorsqu’ils sont idle (comme les Farmers, en hiver), ils deviennent temporairement Laborers, une excellente idée pour éviter une population inactive et un micromanagement trop lourd des professions.
Ainsi, lors de vos débuts, vous allez surement laisser tous vos habitants Laborers, le temps de nettoyer une petite zone de toutes ressources, pour y construire, et accumuler du bois et de la pierre. Ensuite, c’est parti pour construire des bâtiments de pêcheurs, des maisons, des hangars de stockage de nourriture, etc. Vous pouvez ensuite assigner autant de travailleurs que vous voulez à chaque bâtiment, en fonction des besoins.
Vous l’aurez compris, Banished reprend les codes de Dwarf Fortress, les simplifiant à l’extrême, et ajoute une couche de city-building par dessus. Pas de combats, pas de gestion super poussée de l’économie, finalement la seule composante un peu compliquée du jeu est son Trading Post, qui permet de troquer avec des marchands de passage, même si on apprivoise vite l’interface.
Tout le reste du jeu est d’une simplicité extrême, et pourtant d’une profondeur rare, un fait remarquable en soit. L’interface est aussi un exemple d’ergonomie, totalement épurée par défaut, vous pouvez ouvrir diverses fenêtres et les mettre où bon vous semble selon vos besoins. Chaque fenêtre est bien conçue, claire et directe.
Il serait impossible de lister toutes les petites spécificités de Banished, qui font son intérêt, et pourtant elles sont légion. Entre l’obligation de diversifier les types de nourriture pour éviter les maladies et augmenter le bonheur, la balance entre s’étendre ou consolider sa place actuelle, qui est très ténue, l’importance de la distance du foyer des travailleurs avec leur lieu de travail, le poids de l’éducation qui retarde énormément l’entrée d’un enfant dans l’âge de travailler, mais qui augmente ses performances… Nombre sont les subtilités qui font le charme du jeu.
Visuellement, c’est plutôt mignon. On est loin d’un jeu à la Anno, mais le tout est très propre, les maisons varient aléatoirement de forme et d’apparence, et ça devient très vite mignon quand le village se développe et s’étend. De même, ça grouille de vie, avec les habitants vaquant à leurs occupations, et on retrouve ce plaisir des jeux à la Dwarf Fortress où chaque habitant est identifié par un nom et une occupation, et on peut suivre leur petite vie jusqu’à leur mort.
Idem, musicalement, le jeu est plutôt calme et posé, avec des petites mélodies au piano, et quelques compositions un peu plus stressantes dans leur ton.
En réalité, Banished est proche de la perfection à laquelle un jeu vidéo peut prétendre. Simple mais profond, graphiquement plus que potable, musicalement très adapté, sans bugs, il sait ce qu’il fait et ce qu’il prétend être, sans mentir au joueur. Malgré ça, ne nions pas ses défauts.
Déjà, le jeu manque de contenu. Si celui actuel vous demandera de monter à plusieurs centaines d’habitants pour faire le tour de tous les bâtiments et les rentabiliser, c’est à dire plus d’une quinzaine d’heures (plutôt une vingtaine ou trentaine), il reste léger : que deux types de maisons, pas d’upgrade des bâtiments… C’est quasiment le strict minimum, même si ça occupe plusieurs dizaines d’heures.
De même au niveau des possibilités de map, on ne retrouve que deux types (Valley ou Mountains), et la génération aléatoire n’est pas assez diversifiée. On aurait, évidemment, adoré avoir du multi, ce qui n’est pas prévu, de même que d’autres modes de jeu.
Enfin, on retrouve quelques soucis d’équilibrage, ou de comportements dans l’IA, qui seront surement corrigés dans les semaines à venir.
Malgré tout ça, et pour compenser le contenu un peu léger, mais honorable, de Banished, le développeur va mettre à disposition une API pour mods, qui permettra de rajouter du contenu de diverses façons possible. La communauté du jeu, déjà très active, va à coup sûr regorger de mods d’équilibrage, de contenu et d’overhaul de qualité lorsque l’outil sera sorti, un point important à garder en tête. Banished pourrait très bien devenir un SimCity 4, toujours joué des années après sa sortie.
Banished est élégant. Il est simple, clair vis-à-vis du joueur, lui dit tout ce qu’il a à savoir, mais lui oppose un challenge brutal et sans merci. Il cumule city-builder et Dwarf Fortress-like, avec des bases très solide, et ravira surement les fans des deux jeux, ainsi que les fans de survie, et de challenge. Surement un des meilleurs jeux de gestion sorti ces dernières années, malgré ses quelques défauts, l’arrivée d’un outil pour modder le rend encore plus intéressant, au long terme. Conseillé pour quasiment tout le monde.
Résumé
Les + | Les - |
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Simple, profond, un excellent challenge, un gameplay solide, une interface claire, un combo esthétique/sonore totalement adapté, support des mods. | Quelques soucis d'équilibrage, un manque de contenu. |
Score du jeu : |
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L’article et la vidéo sont très complets ! Maintenant, plus qu’une chose à faire, acheter Banished
Juste une petite remarque, je mettrais un 8/10 à ce jeu que j’ai trouvé bien sympa (surtout vu son prix), il tient une bonne dizaine d’heures (à refaire plusieurs parties pour apprendre de ses erreurs). Mais très vite on se retrouve à regarder son écran pendant 10min sans rien faire, tout simplement parce que le jeu stagne au bout de une ou deux heures sur une même partie.
L’avance de temps x10 est -largement- insuffisante dès que la ville est un peu évoluée, on ne gagne plus de terrain, on ne gagne plus de citoyen, bref ça stagne, ça fluctue, mais ça ne progresse plus. C’est bien dommage, et peut être aussi du à mon manque d’expérience sur ce jeu, mais ça me l’a fait lâcher pour le moment, j’y retournerais peut être un jour ceci dit.
En bref, découverte et début de jeu cool, mais il devient vite soporifique après. C’est souvent le problème avec les jeux indé.